Évangélisation: comment éviter le jargon?

Seuls 17% des Suisses indiquent fréquenter régulièrement une communauté religieuse. Les autres se sont distancés des Églises. Agnostiques, voire athées, ils n’ont souvent pas la moindre idée du contexte auquel nous nous référons. Nos propos émaillés de jargon évangélique sont une énigme pour eux.
L’ennemi numéro 1

Il est bien connu des évangéliques, qui l’ont même affublé d’un gentil surnom. Leur principal ennemi en matière de communication s’appelle «patois de Canaan». Il s’agit d’un vocabulaire propre aux chrétiens ou au milieu évangélique plus spécifiquement.

Le problème. L’auditeur ne comprend tout simplement pas de quoi nous parlons. Certains termes sont du chinois à ses oreilles. Sanctification? Exhortation? Communion? Ces mots ne font pas partie de son vocabulaire. Par conséquent, il risque de perdre rapidement le fil.

La solution. D’une part, nous pouvons veiller à ne pas surcharger nos propos de termes théologiques ou typiquement évangéliques. D’autre part, lorsque le recours au jargon nous semble inévitable, expliquons brièvement les termes utilisés.

Un obstacle latent

Une autre barrière, plus subtile, peut entraver la communication avec les incroyants. Cette barrière, c’est l’implicite. Il s’agit de toutes les références à des choses qui nous paraissent évidentes. Nous les chrétiens partageons une culture commune. Nous avons entendu les grandes histoires de la Bible si souvent, qu’il ne nous semble pas nécessaire de les répéter. À tel point que l’on ajoutera même un «Vous connaissez tous… l’histoire de Jonas dans le ventre du poisson.» Outre les histoires de la Bible, nous partageons de nombreuses références culturelles: par exemple des personnages, des lieux, des événements, des livres et des chants, des institutions et des organisations.

Le problème. Nous recourons souvent à des références culturelle pour établir un lien avec notre interlocuteur. Pour le faire sourire, l’émouvoir, lui rappeler des souvenirs. Cette culture partagée nous rapproche de lui. Malheureusement, lorsque notre vis-à-vis ne connaît pas le contexte auquel nous nous référons, ces allusions produisent l’effet contraire: elles éloignent, cloisonnent, excluent.

La solution. Lorsque nous parlons à un groupe, imaginons que nous nous adressons à une personne un peu en marge de ce groupe. À celui qui n’a pas grandi dans l’Église. Au visiteur que nous avons vu entrer un peu hésitant. À la missionnaire en congé qui ne fait que passer. Apprenons aussi à utiliser des références culturelles qui ne sont pas propres au milieu évangélique ou à notre Église en particulier, mais qui peuvent être comprises par un public plus large. Cela implique peut-être de nous cultiver un peu, de réviser nos classiques, de suivre l’actualité, de nous intéresser à des sujets de société et d’être réceptifs aux préoccupations de nos contemporains. Avec, à la clé, la possibilité de créer des ponts avec notre auditoire pour mieux transmettre le message de l’Évangile.

Le malentendu nous guette

«Frères et sœurs, déposons nos fardeaux au pied de la croix, plaçons-nous sous le sang de l’agneau et approchons-nous du père afin de répandre notre cœur dans sa présence.» Tous les mots de cette phrase font partie du vocabulaire courant, mais ils sont utilisés ici dans un sens différent de leur acception habituelle. De même, nous savons ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de «combat spirituel». Mais un visiteur non averti pourrait interpréter cette expression tout autrement.

Le problème. Ces expressions peuvent provoquer des malentendus sur ce qu’est vraiment la vie chrétienne. Elles créent et entretiennent le mystère. Si nous en abusons, nous passons finalement pour plus bizarres que nous ne le sommes réellement. 

La solution. Il y a déjà bien des années, le chanteur et compositeur Matt Redman admettait dans une interview que si c’était à refaire, il écrirait certaines de ses chansons un peu différemment. Il ferait, disait-il, plus attention à la façon dont les paroles sont susceptibles d’être comprises (ou incomprises) dans le contexte culturel actuel. Il cite notamment l’exemple du chant Let My Words Be Few, dont le refrain se termine par les mots «Jesus, I’m so in love with you». Ses propose m’avaient beaucoup impressionnée. Peut-être pourrions-nous aussi accepter de remettre en question certaines tournures et expressions dont nous avons l’habitude? Et les éviter, non parce qu’elles sont mauvaises, mais parce que nous avons le souci d’être bien compris, au-delà des murs de nos Églises aussi.

Ma conclusion

Il ne s’agit pas de remplacer tous les «vieux mots» par des expressions nouvelles ou de chasser tous les termes qui nous semblent suspects pour les remplacer par d’autres aux résonances plus modernes. Un bon vieux dictionnaire nous préservera de troquer des expressions certes un peu poussiéreuses, mais pourtant bien françaises, contre des anglicismes tout droit venus des big churches américaines!

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